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Bédaine, parents et billes

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Aujourd’hui, je parle de moi.


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Mon corps

Pour le corps je suis presque normal. Enfin, j'ai les cheveux qui poussent facilement et j'ai tendance à les laisser pousser, la barbe aussi des fois... ce n'est pas très normal, je crois; ça le devient des fois ça ne l'est plus parfois, ça l'a toujours été. J'ai aussi un peu de bédaine. Là, ma normalité en prend un coup. Depuis qu'on ne voit plus seulement des corps féminins dans les pubs, le masculin a découvert les beaux ventres plats représentant la normalité de ce qu'on devrait être. J'allai donc voir une diététiste. Elle me dit que je mangeais trop gras et que mon taux de cholestérol était anormal.


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Bédaine

Et voilà ! En mangeant tout ce que les personnes normales ingurgitent normalement, je suis devenu anormal. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas chez moi. Il me faudrait une diète spéciale pour ne plus avoir un corps spécial ? L'experte en régime ajouta que j'étais un sujet à risque de bedaine et de cholestérol parce que j'ai des antécédents parentaux dans le domaine; mon père est mort du coeur. Encore lui! Ne plus avoir de père et en avoir eu un anormal; est-ce normal ? Et, en plus, je suis myope. Chez nous c'est normal, on a tous des lunettes dans la famille. Mais quand on joue au base-ball, qu'on veut faire de la plongée ou essayer de voir avec des verres embués quand on fait du ski, là on se trouve anormal. On se rend compte que la normalité qu'on avait acceptée devient parfois une anormalité qui nous frappe au visage.


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Orphelins

Ma mère étant orpheline, je n'avais qu'un grand-père et une grand-mère du côté du père que je n'avais pas. Quelle horreur quand, à l’école primaire, j'appris que les autres enfants en avaient deux de chaque ! Deux grands-papas, deux grands-mamans ? C'est insensé à quoi ça peut servir deux de chaque ? Naturellement, c'était encore moi qui étais anormal. Mono grand-parental, mono parental, dans les années 60, vraiment anormal.

 

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Au diable le hockey

Même pas de père. Mais, me direz-vous, quelles conséquences cela peut-il avoir dans la vie d'un garçon de ces années ? Bien, le samedi soir, plus de hockey à la télévision pour moi; c'était le film à l'autre chaîne avec ma mère et mes soeurs. Lentement, je perdis donc le principal sujet de discussion avec les confrères de l'école. Je faisais semblant d'avoir regardé le match, mais je devins vite dépassé par les pointages. Je perdis donc intérêt dans ce sport de sorte qu'aux joutes obligatoires que nous avions à l’école je ne fus plus bon qu'à être gardien de but; la seule position où je pouvais penser à autres choses durant une bonne partie des matchs.


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Le jeu des perles de verre

D'ailleurs la seule chose qui finit par m'attirer dans les patinoires c'était les parties de billes qu'on jouait en faisant rebondir des billes de verres sur les bandes des patinoires quand, au printemps, la glace n'était plus bonne. Le jeu était simple: il y avait des «kisses» de 5, de 10, de 20 et parfois même de 30. C'est-à-dire que chacune des deux personnes qui jouaient mettait en jeu 5, 10, 20 ou trente billes. Chacun son tour les deux participants lançaient une de ses « allées » sur la bande en bois de la patinoire en la faisant rebondir le plus loin possible. Aussitôt qu'une bille kissait sur une autre, celui qui venait de la lancer remportait toutes les allées sur le terrain.

 

Pisser sur un bolus

Il y avait plusieurs variantes aux jeux d'allées. On pouvait pisser sur un bolus. Un bolus c'était une bille beaucoup plus grosse que les autres. Une bille mesurait environ ¾ de pouce de diamètre, tandis qu'un bolus lui mesurait presque 1 ½ pouce. Pourquoi les appelait-on bolus ?

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Toujours que pour pisser sur un bolus, le lanceur devait se placer à environ trois mètres du bolus et il devait lancer ces billes de façon à kisser sur le bolus. Toutes les allées qui n'atteignaient pas le but devenaient la propriété de celui qui mettait son bolus en jeu. Aussitôt qu'une allée touchait le bolus, le lanceur devenait le nouvel acquéreur de la méga bille.

 

Pisser das la canne

Mais mois, ce que j'aimais le mieux, c'était de faire pisser dans une canne. Pour ce faire, il fallait prendre une boîte de conserve, y percer un trou en plein milieu du couvercle. Le trou devait laisser passer, raisonnablement, une bille. Se tenant debout, le participant devait laisser tomber une allée à partir de la hauteur de sa ceinture, afin que celle-ci pénètre, sans rebonds, dans l'ouverture de la canne. Si le concurrent réussissait, il recevait de 10 à 20 allées en prix; cependant, toutes les billes essayées sans succès revenaient au propriétaire de la boîte de conserve.

 

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J'avais vite compris que, même avec une ouverture très grande, la plupart des gens investissaient de vingt à trente billes avant de gagner; sans compter que beaucoup de gens abandonnaient avant même d'avoir réussi. Je me promenais donc avec ma canne et ma bourse d'allées débordante.


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Je retrouvais ainsi le statut que j'avais perdu au hockey; j'étais devenu quelqu'un et je pouvais jouer avec les riches qui, eux, pouvaient jouer des kiss de 30 non pas parce qu'ils en avaient gagnées beaucoup, mais parce qu'ils pouvaient en acheter beaucoup. Et, ironie du sort, plus j'avais d’allées, moins j'avais peur d'en risquer au jeu et plus j'en gagnais. C'est là que je découvris qu'il faut avoir les moyens pour devenir en moyens. Serait-ce que les allées forment la jeunesse au capitalisme ?


Mais, finalement, ces petites boules étaient plus que des billes de verre, elles étaient mon univers du moment.

 

Merci aussi à ceux qui n’ont pas lu.


Référence


1 - J'haïs le hockey - De françois barcelo


 


2 commentaires


Invité
il y a 15 heures

Moi je ne pouvais pas jouer aux billes parce que je n'avais pas encore mes lunettes.

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Invité
il y a 9 heures
En réponse à

Pauvre toi. Merci de ton commentaire

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